La Grande Loge d'Angleterre Selon les Anciennes Constitutions : Réflexions sur une Pseudo-Ancienneté
L’histoire de la Franc-Maçonnerie est riche en traditions, mais aussi en controverses.
Parmi celles-ci, la prétendue ancienneté de la Grande Loge d’Angleterre selon les Anciennes Constitutions, plus connue sous le nom de la Grande Loge des « Antients », mérite une attention particulière.
Les revendications de cette obédience, fondée en 1751, sur la légitimité et l’authenticité de ses pratiques en comparaison avec les « Moderns » de 1717, soulèvent des questions sur la véritable nature de ses origines.
Tout d'abord, pour comprendre la portée de ces revendications, il est essentiel d’examiner de près les « Constitutions » rédigées par Laurence Dermott, notamment le célèbre « Ahiman Rezon ».
Ce document, dans ses différentes éditions, ainsi que les procès-verbaux des réunions ayant mené à la formation de la Grande Loge des Antients, révèlent une réalité bien éloignée de celle que ces derniers prétendaient.
Ces textes montrent que loin d'être une résurgence de pratiques maçonniques ancestrales, les « Antients » ont, en fait, introduit des innovations déguisées en traditions immémoriales.
L'exemple des prières utilisées lors de l’ouverture des Loges, qui ne trouvent aucun écho dans les catéchismes ou documents maçonniques irlandais passés ou présents, illustre bien cette tendance à la création de nouvelles pratiques sous le couvert de l’ancienneté.
Ces soi-disant traditions, présentées comme issues de la vieille maçonnerie irlandaise, semblent plutôt être des ajouts contemporains destinés à se distinguer des « Moderns » de Londres.
En approfondissant l’histoire de l’Irlande et de sa Maçonnerie, une autre vérité émerge : la Franc-Maçonnerie irlandaise, qui aurait inspiré les « Antients », n’a jamais possédé les fondements anciens qu'on lui attribue. L’Irlande, sous domination anglaise depuis 1169, n’avait pas, à l’époque de la fondation de la Grande Loge des Antients, une tradition maçonnique opérative ancrée dans l’histoire.
Les guildes irlandaises, dirigées par des charpentiers plutôt que par des tailleurs de pierre, n’ont laissé aucun « Old Charges » ou documents similaires à ceux que l’on retrouve en Angleterre ou en Écosse.
Ainsi, la prétendue ancienneté de la Maçonnerie irlandaise, reprise par les « Antients », repose sur des bases pour le moins fragiles.
De plus, les minutes de la Grande Loge des Antients révèlent une absence de sources primaires pour soutenir leurs prétentions. Lors d'une réunion en 1752, Dermott lui-même exprimait ses doutes sur l’existence de manuscrits ou de documents plus anciens.
Cette absence de preuves tangibles souligne la construction d’une tradition sur un vide historique, renforçant ainsi l’idée que la soi-disant ancienneté des « Antients » n’est qu’une façade.
Il est également révélateur que ce n’est qu’à partir de la deuxième édition d’Ahiman Rezon, en 1764, que les « Antients » commencent à affirmer leur différence avec vigueur.
Cette revendication d’un retour aux pratiques irlandaises anciennes n’était en réalité qu’un retour aux usages contemporains de l’Irlande, des usages qui, eux-mêmes, étaient influencés par la domination anglaise.
En conclusion, l’ancienneté revendiquée par les « Antients » ressemble davantage à un mythe soigneusement entretenu qu’à une réalité historique.
Leur prétendue authenticité est comparable à ces légendes que l’on perpétue malgré le manque de preuves, à l’instar du monstre du Loch Ness. Pour ceux qui cherchent la vérité, il est important de reconnaître que l’histoire de la Franc-Maçonnerie est complexe et que toutes les traditions ne sont pas ce qu’elles prétendent être.
Ainsi, la Grande Loge d’Angleterre selon les Anciennes Constitutions n’est peut-être pas l’héritière des pratiques immémoriales qu’elle revendique, mais elle reste une partie intégrante de l’histoire riche et nuancée de la Franc-Maçonnerie.
Comments