Comment commencer ce discours sans vous parler de la chanson que vous venez d’entendre.
Elle a pour titre « Barayé » qui signifie en persan (pour) et a été écrite et composée en septembre 2022 par Shervin Hajipour*.
« Pour danser dans la rue. Pour ne plus avoir peur de s’embrasser. Pour ma sœur, la tienne, les nôtres. Pour le regret de ne pas avoir une vie ordinaire… »
Cette chanson est devenue un hymne à la liberté de tous les Iraniens !
Il y a presque un an, le 16 septembre 2022, Mahsa Amini, une étudiante iranienne de 22 ans, était tuée par la police des mœurs pour « avoir mal porté son voile ». Depuis, la révolution « Femme, vie, liberté » a fait du chemin.
Le régime des mollahs est contesté chaque jour par une jeunesse qui n’en peut plus de vivre sous un régime théocratique. Des centaines de morts, des milliers de prisonniers, c’est le prix que sont prêts à payer des Iraniens soumis à des règles insupportables, et en premier lieu les femmes !
Le 16 septembre prochain, le Grand Orient de France s’exprimera sur ce sujet et j’invite vos Loges à faire de même. Le combat pour l’émancipation n’a pas de frontières.
Quand nous entendons sous nos latitudes dire, parfois même dans nos rangs, que la laïcité serait périmée, pensons un seul instant aux Iraniens.
Pensons aussi aux Polonais qui descendent dans la rue régulièrement pour se dresser contre un régime qui interdit pratiquement l’avortement et dont la législation anti-IVG a déjà causé la mort de dizaines de femmes.
Non, la laïcité n’est pas un combat franco-français réservé à nos seules frontières hexagonales. Plus que jamais, le Grand Orient de France doit être et sera à l’avant-garde.
Aucun relativisme ne nous fera reculer.
C’est en ayant en mémoire le visage de ces femmes et de ces hommes que j’assume aujourd’hui la charge de Grand Maître de notre belle et grande Obédience, avec émotion et responsabilité.
Avant de vous parler des axes prioritaires de ma Grande Maîtrise, permettez-moi de partager avec vous l’émotion que je ressens à cet instant.
Mes premières pensées sont pour les Conseillers de l’Ordre qui m’ont accordé leur confiance par un vote sans équivoque. C’est la beauté et la force de notre Obédience que ce système démocratique où chaque année, quels que soient les mandats, dans les loges, dans les congrès régionaux, dans les instances nationales, au sein du Conseil de l’Ordre, l’on remet son mandat en jeu et on se soumet aux suffrages de ses frères et de ses sœurs. Au-delà de l’appellation “Grand Orient de France” choisie en 1773, c’est ce modèle démocratique original et précieux que nous avons célébré durant cette année et que nous devons protéger.
Emotion, disais-je, car le rituel que je viens de vivre avec vous est riche. Dans notre ordre initiatique, il symbolise cette transmission qui est si chère aux cœurs des Francs-Maçons. C’est l’occasion pour moi de saluer tous les Frères qui m’ont précédé dans cette fonction, et ce sans exception.
Bien sûr j’ai une pensée fraternelle pour notre Très Cher Frère Georges SERIGNAC qui, à la sortie de la crise sanitaire, période tragique pour de nombreuses loges endeuillées, difficile pour notre Obédience, l’a remis sur la bonne voie. Les chiffres encourageants de nos effectifs peuvent en témoigner. Il m’a fait confiance lors de mes deux premières années de mandat en me confiant l’office de Grand Trésorier Adjoint puis de Président du Comité de Direction de la SOGOFIM. Ces deux mandats m’ont donné une connaissance fine des enjeux cruciaux de notre Obédience. Merci mon Très Cher Frère Georges.
Ma deuxième pensée est aussi fraternelle qu’affectueuse, elle est pour notre Très Cher Frère Philippe GUGLIELMI. Grâce à la politique d’extériorisation qu’il a mis en œuvre alors qu’il était Grand Maître de notre Obédience, il a fait en sorte qu’un jour de janvier 1999, au lendemain de l’émission « Des racines et des ailes » que je vous invite à revoir, dont le reportage se passait dans la belle ville de Troyes, le jeune étudiant de l’Institut National des Télécommunications que j’étais, a décidé de frapper seul à la porte du Temple… initié quelques mois plus tard au sein de la Respectable Loge “Acacia” à l’Hay-les-Roses…
Il est vrai que je n’ai pas été parrainé… Mais cela ne signifie pas que je n’ai pas eu la chance de rencontrer, sur le chemin initiatique, plusieurs Maîtres bienveillants qui m’ont tant appris, tant transmis, qu’il s’agisse par exemple de notre regretté Frère Christophe HABAS avec qui je partageais plus que de la fraternité mais une complicité intellectuelle. Ce grand esprit me manque tant aujourd’hui.
Mais il y a eu également notre Très Cher Frère Philippe FOUSSIER avec qui je partage cet attachement viscéral aux combats maçonniques pour l’universalisme républicain, notre regretté Frère Patrice BILLAUD-DURAND, mes frères et sœurs de “La Rose du Parfait Silence” et bien sûr ceux de la Loge que j’ai eu le plaisir de présider “Sub Rosa”.
Voilà ma filiation maçonnique.
Et comment vous parler de filiation sans vous parler d’une femme exceptionnelle à qui je pense fort aujourd’hui. Il s’agit de ma grand-mère chérie, Louise, bientôt 102 ans, qui a travaillé dur dans les vignes du Beaujolais aux côtés de mon grand-père, élevé ses enfants, qui m’a transmis des principes simples : le goût du travail, l’attachement aux terroirs et à leur histoire, le respect des autres et de soi-même, la solidarité avec les plus faibles, le sens du devoir.
Voilà ma filiation profane…
C’est peut-être là qu’est née ma vocation de défendre les travailleurs et les travailleuses. Ce que je fais depuis 20 ans en tant que syndicaliste. Dès lors, vous l’aurez compris, la justice sociale est dans mon ADN.
Je suis fier de ce parcours syndical, des hommes et des femmes que j’y ai rencontré. Cela a forgé l’homme de convictions que je suis.
Mais je veux être clair avec chacun d’entre vous. Alors que je deviens aujourd’hui le Grand Maître du Grand Orient de France, je ne porterai qu’un seul étendard, le nôtre. Durant mon mandat, je ne serai le porte-parole que d’une seule organisation, notre belle Obédience. Par souci de clarté et de transparence. Par efficacité aussi.
Je serai le garant des expressions plurielles qui font la force de notre Obédience, son indépendance aussi.
Aujourd’hui en prêtant serment devant vous, délégués de chacune des Loges du Grand Orient de France, ce n’est pas seulement le responsable associatif de notre institution investi, grâce à vous, d’une responsabilité profane éminente qui accomplit cette coutume annuelle. C’est aussi et je dirais même d’abord celui qui a, au-delà de sa dimension associative, la charge de diriger et de représenter temporairement la « puissance symbolique souveraine » sous les auspices de laquelle nous plaçons nos réflexions et nos actions.
« Puissance symbolique souveraine », chacun de ces termes a son égale importance.
La démarche initiatique en amont, la résolution du fait social en aval, voilà une définition qui sied parfaitement à l’ambition qui doit être celle des Francs-maçons du Grand Orient de France.
Là encore, c’est cette complémentarité et cet équilibre que nous devons en toute circonstance préserver, et que nous tenons de ceux qui ont construit notre Obédience au XVIII esiècle et de ceux qui, ensuite, patiemment, ont préservé tout en les adaptant les traditions héritées de nos fondateurs. Cela s’appelle la transmission.
Oui, nous le revendiquons clairement, nous ne sommes pas de ceux qui considèrent que tout a commencé aujourd’hui, nous sommes les continuateurs, les passeurs, les vecteurs de traditions forgées par nos anciens. Mais parce que nous sommes aussi les tenants d’une franc-maçonnerie adogmatique et je l’espère même son avant-garde, nous considérons que ces traditions sont là pour nous faire réfléchir et non pour nous conduire à la génuflexion. Elles peuvent et doivent être réinterrogées sans cesse.
Au fond, nous sommes des fils et des filles de la lumière, héritiers des fils et filles des Lumières. Ce legs, qui nous a permis de sortir de siècles voire de millénaires d’obscurantismes religieux et politiques, est précieux. Il est l’objet d’attaques sans précédent depuis longtemps.
Soyons-en les fiers défenseurs et promoteurs. Ainsi, nous aurons été dignes de notre serment, celui que nous avons pris devant les Francs-maçons du Grand Orient de France réunis autour de nous le jour de notre initiation.
Comptez sur moi pour avoir en tête toute l’année cette exigence et cela aussi je l’ai appris au cours de mon parcours initiatique : plus on dispose de droits, plus on a également de devoirs. C’est à l’aune de cette obligation morale que je prends aujourd’hui librement devant vous, que j’exercerai le mandat que vous me confiez.
Émotion disais-je mais responsabilité surtout.
Car mon élection en tant que Grand Maître du Grand Orient de France, plus importante obédience maçonnique libérale et adogmatique du monde, s’inscrit dans un contexte mondial, européen, français très particulier.
Dans le monde, changement climatique menaçant désormais la survie même de notre espèce…Des millions d’êtres humains sont déjà victimes du changement climatique et du réchauffement planétaire, de la pollution de l’air, de l’eau, de la terre et des mers. La pollution provoquerait entre France entre 40 000 morts prématurées et 100 000 morts par an.
Par ailleurs, nous vivons une quatrième révolution industrielle qui est numérique et robotique, elle est aussi celle de l’Intelligence Artificielle. Couplée aux nanotechnologies, aux biotechnologies et aux sciences cognitives, elle est déjà une réalité qui bouleverse la vie des êtres humains.
En Europe, la guerre en Ukraine, à quelques 2000 km de notre Convent de Lille, nous ramène à une période historique que nombre d’entre nous n’avaient jamais connu. En Europe toujours, les partis extrémistes continuent leur ascension, notamment l’extrême droite.
En France, la crise sociale a enjambé la crise sanitaire, suivie par une crise démocratique, une crise politique.
Ainsi, jamais ces crises n’auront été aussi aiguës, complexes et menaçantes.
C’est dans ce contexte et dans ce monde où les régimes autoritaires ou illibéraux gouvernent plus de la moitié de l’humanité, où les firmes transnationales n’ont jamais été aussi puissantes, que notre République, celle que nous chérissons, la République indivisible, laïque, démocratique et sociale, notre chère République vacille… affaiblie par des décennies de renoncement, pour ne pas dire plus.
Comme vous, je crois à ces quatre piliers que notre Franc-Maçonnerie a toujours défendus.
La République indivisible, c’est celle qui ne distingue pas les êtres humains en fonction de leur genre, de leur couleur de peau, de leur supposée croyance religieuse, de leur orientation sexuelle, de leur métier, région d’origine, etc. C’est celle qui refuse le racialisme autant que le racisme. C’est celle qui rejette toute discrimination fut-elle qualifiée de « positive ». C’est celle qui assure l’égalité des citoyens partout sur le territoire français.
L’article 1 er de la déclaration universelle des droits de l’homme dit “Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »
Est-ce le cas dans notre République où selon que l’on naisse dans le 16e arrondissement de Paris ou dans un charmant village de la Drôme appelé les Petits Robins, l’être humain n’a pas les mêmes accès à l’école, aux soins, aux actes d’état civil…
Est-ce le cas dans notre République où selon qu’il habite dans la métropole lyonnaise ou bien dans un charmant petit village du Var ou en Guadeloupe, l’être humain n’a pas accès à l’eau potable ?
Est-ce le cas dans notre République où l’on ose nier la montée du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie ?
L’indivisibilité de la République au Grand Orient de France nous y sommes attachés mais mes TT⸫CC⸫FF⸫, mes TT⸫CC⸫SS⸫, à nous de lutter pour qu’elle survive à ces assauts identitaires d’extrême droite comme d’extrême gauche !
La République laïque, c’est celle qui protège la liberté absolue de conscience, cette liberté fondamentale, ce libre choix, ce libre arbitre qui est le fondement de toutes les autres libertés.
Les adversaires de la laïcité sont nombreux. Bien sûr il y a les ennemis visibles, les intégristes générés par tous les monothéismes et hélas aucun n’en a le monopole même si l’un d’entre eux, l’islamisme, se distingue depuis quelques décennies par son macabre bilan, mais il y aussi leurs compagnons de route, ceux qui préparent ou facilitent leur influence sur nos sociétés.
Nous savons quel a été le combat de nos prédécesseurs pour faire reculer le cléricalisme, soyons dignes de cet engagement. Vous pourrez compter sur moi : il n’y aura aucune complaisance, aucune indulgence, aucune ambiguïté sur ces questions, comme sur les autres d’ailleurs.
Nous continuerons à œuvrer pour la promotion et la défense de la laïcité, en particulier avec les obédiences maçonniques amies et les associations engagées depuis près de 20 ans au sein du Collectif laïque national.
La République démocratique, c’est celle qui donne une place à chaque être humain dans la cité, c’est celle qui respecte les élus du peuple, les corps intermédiaires, la société civile organisée. C’est celle qui n’a pas peur du citoyen et ne l’enferme pas dans un simple rôle d’électeur. C’est celle qui respecte la séparation des pouvoirs, l’Etat de Droit.
Cet idéal de gouvernance du peuple, par le peuple et pour le peuple a été dévoyé ces dernières années.
Oui, la France vit une crise démocratique. Les fondements sur lesquels nous avons bâti notre société sont ébranlés. Cependant, c’est précisément dans ces moments de turbulence que notre engagement de Francs-maçons envers les principes démocratiques doit être renouvelé et renforcé.
La République sociale, si chère à mon cœur, c’est celle qui devrait placer la justice sociale au cœur de toutes les politiques publiques, au cœur de toutes les lois. Mais peut-on dire que c’est le cas ces dernières décennies?
Les émeutes urbaines que nous avons vécu au début de l’été nous rappellent violemment que la société française est profondément fracturée, que la cohésion sociale n’est plus qu’un vœu pieux.
Nous en avions eu une démonstration d’une nature différente avec l’épisode des Gilets Jaunes, pendant plus d’un an. La crise sociale et politique que nous avons également connue depuis le début de cette année civile, avec l’opposition d’une majorité de nos concitoyens au recul de l’âge du départ en retraite nous l’avait aussi confirmé.
Ces émeutes, plus violentes et étendues que celles de 2005, éclairent d’un jour particulier les tensions qui traversent notre société. De manière croissante, ce sont tous les symboles républicains, et au-delà, ceux de la puissance publique qui constituent des cibles.
Nous avons même assisté à une gradation car ce sont désormais des mairies et des écoles qui ont été brûlées, des élus de la République attaqués et plus seulement des forces de l’ordre ou des sapeurs-pompiers, ce qui était déjà insupportable.
Parallèlement, l’extrême droite étend son influence, contamine les esprits, infiltre les médias, et les faits successifs semblent tous agencés pour alimenter sa progression jusqu’au pouvoir…
Face à cette situation de fragilité du corps social, de tension latente, d’« archipélisation de la société » pour reprendre la formule de Jérôme Fourquet, les Francs-maçons, et notamment ceux du Grand Orient de France, me semblent avoir un rôle éminent à jouer. Ils ne peuvent ni se résoudre à ces attaques répétées contre la République, ses symboles et ceux qui la servent, ni se résigner à une possible victoire de l’extrême droite aux prochaines élections européennes et nationales. Nous devons avec notre méthode et nos outils nous emparer de toutes les questions pour proposer des pistes de réflexion mais également des actions.
Notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale est en danger comme elle ne l’a sans doute pas été depuis plus d’un demi-siècle !
Et le Grand Orient de France dispose de la légitimité pour se saisir de cette problématique qui devient selon moi prioritaire.
On peut en effet redouter qu’une fois les tensions passagèrement apaisées, beaucoup s’efforcent de passer à autre chose et à mettre une fois de plus la poussière sous le tapis. On doit craindre que les partis politiques n’aient que des solutions à court terme, tributaires de leurs propres échéances et du jeu politicien auxquels ils se livrent hélas trop souvent en renvoyant les responsabilités vers leurs adversaires.
La République mérite mieux, beaucoup mieux, et dans ces circonstances particulières, le Grand Orient de France peut, s’il en a la volonté, jouer un rôle comme il a su et doit le faire à certaines occasions de sa longue histoire.
La défense de la République ne passera pas seulement par nos débats dans nos temples. Nous devons aller dans le profanum. Notre constitution nous le dit dans son article II : « La Franc- Maçonnerie a pour devoir d’étendre à tous les membres de l’Humanité les liens fraternels qui unissent les Francs-Maçons sur toute la surface du globe.
“Elle recommande à ses adeptes la propagande par l’exemple, la parole et les écrits”.
Aller dans le monde profane, non pas seuls mais accompagnés, avec nos partenaires, nos réels compagnons de route. Pas ceux qui ont tourné le dos à la République universaliste, pas ceux qui ont renié leurs engagements originels ou s’accommodent de quelques arrangements par clientélisme ou électoralisme.
Être dans l’action, oui. Mais comment ?
Je vous le dis, si nous voulons lutter contre les extrémismes et notamment celui de l’extrême droite aux portes du pouvoir, il nous faudra rappeler ce que sont ces partis qui se nourrissent de l’exclusion, qui génèrent l’intolérance et prônent les discriminations : nous sommes bien placés, hélas, au regard de l’histoire du siècle précédent, pour savoir que ces idéologies peuvent conduire au pire.
Aussi, le voyage mémoriel à Auschwitz qui n’avait pu être organisé en 2020 en raison du Covid sera à nouveau programmé.
Cela sera l’occasion de rappeler ce que ces théories peuvent générer de pire pour l’humanité : en particulier l’antisémitisme, qui a conduit des millions d’êtres humains à la mort pour le seul fait d’être nés juifs. Cela sera aussi l’occasion pour les Francs- maçons, en cette année d’élections européennes, de rappeler que le GODF est fondamentalement attaché à une Europe de la Fraternité, de la Tolérance, de la Paix. Comment ne pas penser à ce que vivent les Ukrainiens depuis le 24 février 2022 ? Comment ne pas penser non plus à ce que vivent les Arméniens dont leur pays risque d’être rayé de la carte et eux avec !
Au-delà de ce devoir de mémoire, il nous faudra réinvestir le débat public sur les maux de notre société qui font le lit de ces extrémistes.
Que pensons-nous de la dignité humaine mise à mal dans notre pays ? Ces migrants qui se regroupent de fortune dans des campements peuplés autant par les hommes que par les rats.
Ces travailleurs pauvres qui dorment dans leurs voitures sur les parkings des sites industriels !
Ces condamnés entassés dans des prisons insalubres encadrés par des fonctionnaires qui manquent de moyens !
Ces étudiants précaires qui font la queue dans les banques alimentaires pour pouvoir se nourrir ?
Ces plus de 10 millions de pauvres qui vivent sous le seuil de pauvreté ?
Que pensons-nous et que proposons-nous sur les questions des services publics. Quelle école voulons-nous pour nos enfants ? Quelle Police ? Quelle Justice ? Quel système de santé ? Quel accompagnement pour nos plus anciens ?
Je désignerai un Grand Officier délégué à la réflexion sur les services publics. Il aura pour mission de travailler avec les Loges pour que notre Obédience soit force de propositions d’ici le prochain Convent.
Permettez-moi de revenir sur l’École et l’instruction publique. Ce sujet est fondamental pour le devenir de la République.
Je souhaite aussi que nous poursuivions nos réflexions collectives autour de l’école. Depuis plusieurs années déjà, les Journées Jean Zay ont permis à notre Obédience de s’exprimer sur ce point et je veux ici saluer le travail réalisé. Il me semble néanmoins indispensable que cette expression se prolonge car s’il est bien un sujet sur lequel les Francs-maçons du Grand Orient de France ont une légitimité à s’exprimer, c’est bien celui-ci.
Tant de nos anciens ont contribué, dès le 18e mais plus encore au 19e siècle , à l’édification de l’école publique, laïque et obligatoire, ce creuset de la République, cette institution qui en constitue le cœur même.
Vous connaissez tous probablement cette phrase célèbre d’un des pères de l’école publique, Ferdinand Buisson : « Le premier devoir d’une République, c’est de faire des républicains ». C’est notamment le rôle de l’institution scolaire.
A l’heure où la République fait l’objet de contestations croissantes de la part de courants qui veulent s’en distinguer voire s’en débarrasser, il nous appartient de dire combien l’idéal républicain mérite bien au contraire d’être revivifié et réincarné, et quel rôle nous assignons à l’école dans cette perspective. Les Journées Jean Zay seront donc à nouveau un rendez-vous dans notre calendrier de l’année maçonnique qui commence.
Concernant les questions de police et de justice, le débat entamé il y a quelques mois va bien au-delà des questions de libertés publiques et individuelles. Nous devons conduire une véritable réflexion sur l’état de droit en France.
Un Grand Officier sera désigné pour organiser cette réflexion avec le concours des Loges si elles souhaitent s’en saisir.
Par ailleurs, je vous propose de prolonger ou d’ouvrir de nouveaux chantiers cette année.
– Les Utopiales Maçonniques, ces événements populaires qui ont permis à nos Loges de s’ouvrir au monde profane seront organisées au printemps prochain. Elles auront pour thème « Résister ».
– Des fêtes de la laïcité seront organisées partout sur le territoire le 9 décembre prochain.
A l’heure où les menaces pèsent sur la laïcité et notamment la loi de 1905, les Francs- maçons organiseront des fêtes populaires autour de la laïcité pour expliquer ce qu’elle est, un principe de concorde, de paix et de liberté.
Et 2024 ce sont aussi les jeux olympiques Paris 2024 organisés dans notre pays. Le Conseil de l’Ordre va réfléchir à la manière dont nous pourrions célébrer les valeurs de l’Olympisme et sera à l’écoute de vos éventuelles suggestions sur ce point.
Mais pour renforcer la République, encore faut-il que le Grand Orient de France soit fort lui-même. Loin de moi de crier haro sur le beaudet, cela serait trop facile et même injuste. Je veux dire que je m’inscris dans la droite ligne de mes prédécesseurs car c’est cela aussi la maçonnerie : assumer l’héritage que l’on nous a transmis.
Aussi, je ne vais pas lister ce matin tout ce qui doit être amélioré. Cependant, permettez-moi de définir trois axes prioritaires pour que notre Obédience soit en ordre de marche pour contribuer à défendre la République :
– 1° axe : Améliorer notre communication externe et interne.
La communication interne est cruciale. Si nous voulons que le fait obédientiel soit mieux ressenti par les FF⸫ et SS⸫ dans nos Loges, alors il faut aussi moderniser notre façon de communiquer en interne.
Ainsi, nous allons lancer une nouvelle initiative. Nous proposerons à nos Loges de convier leurs apprentis à des voyages intitulés « Une journée au Grand Orient de France ». Durant cette journée à l’Hôtel de la Rue Cadet, ils visiteront notre superbe musée de la Franc-Maçonnerie car la culture est un magnifique outil de transmission de la mémoire maçonnique. Ils échangeront avec des représentants du Conseil de l’Ordre et de nos instances nationales pour mieux appréhender le fonctionnement interne de notre Obédience.
En termes de communication externe, nous définirons un véritable plan de communication avec une agence. En effet, si nous voulons nous adresser par exemple à la jeunesse, il nous faut utiliser les médias pratiqués par notre jeunesse. A ce titre, permettez-moi de vous annoncer qu’un grand officier délégué à la jeunesse sera désigné.
Mieux communiquer, cela passera aussi par davantage de moyens financiers pour soutenir les efforts d’extériorisation de nos loges. Plus de TBO, plus de conférences publiques, plus d’expositions. La force du Grand Orient de France ne réside pas dans la voix de son Grand Maître, mais dans ce maillage territorial de nos 1400 Loges.
Car les idées sont là. Elles n’ont jamais quitté le Grand Orient de France. Il était, est et restera un fantastique laboratoire d’idées. Non, les lumières ne sont pas éteintes !
Dans nos Loges, dans nos commissions nationales, dans nos congrès régionaux, les frères et les sœurs du Grand Orient de France réfléchissent, proposent, élaborent. Nos travaux méritent d’être mieux connus.
Le Grand Officier délégué à la Communication aura cette lourde tâche à mettre en œuvre.
– 2e axe : Définir une politique internationale à la hauteur des défis géopolitiques.
Le rayonnement du Grand Orient de France et la diffusion de nos valeurs universalistes et humanistes à l’international sont essentiels. Si nous sommes attachés à la République, nous sommes également attachés à cette République universelle, telle que la pensait le Chevalier de Ramsay.
Pour tous les habitants de ces pays où la liberté d’expression n’existe pas ou plus, où, la liberté de conscience est un espoir à vivre, nous devons repenser notre “présence”, cela ne passe pas forcément par la création de Loges en tout lieu et tout temps, mais aussi par des partenariats avec des obédiences amies…
Trois zones me semblent prioritaires : l’Europe, l’Afrique, et l’Amérique Latine.
L’Europe
Le chantier européen sera une claire priorité pour l’année maçonnique qui commence. Les urgences s’additionnent, que ce soit sur le plan climatique comme je l’ai déjà évoqué mais aussi sur le plan démocratique.
Les régimes illibéraux prolifèrent, partout les partis extrémistes, et notamment d’extrême droite, gagnent du terrain, les nationalismes ressurgissent, les intégristes religieux infiltrent avec efficacité les institutions communautaires, les tenants du séparatisme ethnique relèvent la tête, tout cela génère de la xénophobie et nous éloigne peu à peu de la démocratie, tout cela fabrique du différentialisme au détriment de l’universalisme qui nous est si cher.
J’aime cette citation de l’ancien Grand Maître Jacques Mitterrand (1973) : « Partisans convaincus depuis toujours des Etats-Unis d’Europe, les frères examinèrent avec circonspection les projets des Bidault, Schuman, Adenauer et de Gasperi : l’Europe, pour les francs-maçons, ne devait pas être celle des trusts ni celle du Vatican, mais celle dont avaient rêvé Byron et Victor Hugo ».
Le Grand Orient de France prendra des initiatives, s’entourera des Obédiences amies qui partagent nos préoccupations, et en premier lieu au sein de l’Alliance maçonnique européenne, car aucun Franc-maçon ne peut céder au fatalisme.
La guerre est à nos portes, les nostalgiques des régimes fascistes ne craignent plus d’afficher clairement leurs sinistres filiations, beaucoup d’ingrédients sont réunis pour que l’Europe connaisse des aventures que son histoire n’a que trop expérimentées. Nous nous servirons bien-sûr des contributions fournies par les Loges, car je sais que cette préoccupation est aussi très largement partagée au sein de notre Obédience.
L’Afrique
J’ai eu la chance dans ma vie professionnelle de voyager dans plusieurs pays d’Afrique.
La France a un devoir par rapport à ce magnifique continent. Le Grand Orient de France a un devoir vis à vis de nos Frères et Soeurs attachés à la Franc-maçonnerie libérale et adogmatique.
Nous avons des partenaires anciens, réunis au sein de la Conférence des puissances maçonniques africaines et malgaches (CPMAM), c’est avec eux que je souhaite que nous puissions réfléchir de manière féconde sur les défis migratoires qui concernent nos deux continents.
Les Etats, c’est normal, ou plutôt c’est logique, ont en général des visions à court terme de ces enjeux, sont souvent plongés dans la gestion des urgences, et pas toujours de la meilleure manière, les drames humanitaires que l’actualité nous rappelle hélas trop fréquemment sont là pour en témoigner.
En revanche, il y a une réelle carence sur une approche à moyen et long terme de ces problématiques et je pense que les francs-maçons européens et africains doivent y consacrer une part significative de leurs réflexions communes. Là encore, je sais que nombre de vos Loges -y compris africaines bien sûr- ont travaillé sur ces questions, cet acquis nous sera précieux. Nous engagerons ce chantier dans les toutes prochaines semaines. Et je vous annonce que mon premier déplacement à l’étranger aura lieu en Afrique.
L’Amérique Latine
L’Amérique Latine est une terre maçonnique. Nombre d’indépendances ont été conquises grâce aux actions de francs-maçons : Mexique, Venezuela, Cuba.
Mais aujourd’hui, à l’instar de ce qui s’est passé au Brésil avec Bolsonaro, l’heure est plus que jamais à la promotion de nos valeurs humanistes. Le Grand Orient de France occupe une place singulière dans le paysage sud- américain, de par les liens fraternels qui nous lient à une multitude d’Obédiences libérales et adogmatiques avec qui nous devons renforcer nos liens.
Comment parler de l’Amérique Latine sans évoquer le 50e anniversaire du coup d’Etat au Chili du 11 septembre 1973 ? Les Francs-maçons du Grand Orient de France ont une histoire particulière avec les maçons chiliens réfugiés en France après la mort de notre Frère Salvador Allende et l’arrivée au pouvoir de Pinochet.
Ils auront l’occasion de le rappeler dans quelques jours, et je fais confiance à deux de nos nouveaux Conseillers de l’Ordre, nos sœurs Anita et Gloria, à raison de leurs attaches avec le Chili, pour y prendre toute leur part.
– 3e axe : Exécuter une politique immobilière ambitieuse au service des Loges.
Je le dis souvent de façon triviale, sans temple pour protéger nos travaux, plus de tenue et donc plus de maçonnerie.
Aussi qu’il s’agisse de la SOGOFIM d’une part, des Loges propriétaires ou de la SCI Location dont vous avez autorisé hier la création et l’expérimentation, notre politique immobilière doit être à la hauteur des enjeux de demain : indépendance de notre Obédience, protection de nos Loges partout dans le monde, rayonnement de notre obédience avec de grands pôles d’attractivité maçonnique.
Pour résumer, communication interne et externe modernisée, politique internationale à la hauteur des enjeux, politique immobilière ambitieuse. Ces trois axes forts d’amélioration interne de notre obédience étant désormais définis, je ne peux terminer mon discours sans vous parler de la solidarité et de la fraternité.
La solidarité est la clé de voûte de notre Obédience, c’est l’application opérative de la fraternité. Comment imaginer l’engagement maçonnique sans solidarité. Solidarité envers les nôtres, nos frères et sœurs. Et je veux saluer le travail incroyable des délégués à l’INSM, pleinement impliqués dans leur rôle, mais également celui du Grand Hospitalier et à travers lui tous les Hospitaliers de nos Loges.
Solidarité envers tous. C’est notamment l’œuvre éminent de la Fondation du GODF qui mérite d’être davantage soutenue par nos frères et sœurs. Ses actions humanitaires participent aussi au rayonnement de notre obédience.
Voilà ce que je tenais à vous dire mes Très Chers Frères, mes Très Chères Soeurs.
Les Francs-maçons du Grand Orient de France ont désormais une responsabilité historique, celle de contribuer à réparer notre République pour que ses principes respectables soient partout respectés, pour que la République universelle et fraternelle ne soit plus une promesse mais une réalité, pour que l’avènement d’une humanité meilleure et plus éclairée ne soit pas qu’une incantation dans nos tenues, pour que l’extrême-droite n’accède plus jamais au pouvoir et reste là où elle doit être, c’est à dire dans les sombres pages des livres d’Histoire.
Au Grand Orient de France, nous ne nous résignons pas à voir l’extrême-droite arriver au pouvoir. Et nous devons nous jeter de toutes nos forces dans ce combat essentiel.
Bertold Brecht disait « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu »
C’est unis, que nous réussirons à relever ces défis.
C’est unis, que nous continuerons à faire aimer notre ordre.
C’est unis, que nous allons écrire une nouvelle page de l’Histoire du Grand Orient de rance.
Vous pouvez compter sur moi pour être le centre de l’union et œuvrer avec l’ensemble du Conseil de l’Ordre à la réalisation de cette union désormais indispensable.
Mes Très Chers Frères, mes Très Chères Soeurs, unissons-nous et reprenons l’ouvrage.
C’est notre vocation, c’est notre devoir.
Unus Omnibus !
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